1976

Un air de bol d'or

Départ 1976
Départ sous l'eau de l'édition 1976, avec 20 équipages
Départ sous l'eau de l'édition 1976, avec 20 équipages

Un air de BOL et de sérieux - Vainqueurs Alline et Fouqueray

 

On sait que l'idée de ce type de compétition vient d'une bande de lycéens qui, conscients du danger que pouvaient représenter les défis qu'ils se lançaient journellement dans les rues du Mans, avaient décidé d'en découdre, une fois pour toute, sur une piste à eux seuls réservée.

 

En 1974 et l'an passé, six ou sept équipages se sont donc retrouvés sur la piste du critérium du jeune pilote. Pendant 24 heures, les machines et leurs pilotes, à la limite de l'épuisement, ont inlassablement tourné sur cette piste un peu réduite. Ils étaient des copains venus là par défi, ils se prouvèrent à eux- mêmes que l'exploit était réalisable.

 

Puis, cette année-là, l'idée se fit jour d'étendre cette expérience à qui voudrait la tenter ; d'intime l'opération devint officielle. L’ACO offrit même à l’équipage vainqueur un stage à l’école de pilotage moto du Bugatti.

 

Il fallut créer un règlement : celui du Bol d'Or aménagé fit l'affaire. Il fallut créer une association : l'A.S.C.M. vit le jour. L’aspect fantaisiste tassa aussi la rigolade.

 

Il fallut adhérer à ça aux essais, quatre concurrents potentiels furent éliminés. Ces essais, déjà amenèrent quelques réflexions.

 

La FFM y a fixé le nombre maximum des partants à vingt, ce qui a entraîné une série de chronos de qualification. 24 équipages s'étant engagés. Il en sera probablement de même pour les prochaines éditions de ces 24 h du cyclomoteur. A ce moment là il est envisagé de mettre un âge maximum aux participants pour les prochaines éditions. Age qui serait fixé, à 20 ou 21 ans.

Quelques pilotes de l'édition 1976
Quelques pilotes de l'édition 1976
Claude Buchet
Claude Buchet

Pour cette troisième édition de la course, les organisateurs ont créé deux groupes : le groupe 1, auquel ne participent que des engins rigoureusement de série, et le groupe 2, dans lequel tous les aménagements sont possibles, tant que la cylindrée ne dépasse pas 50 cm3. A la lecture des résultats des essais, il apparaît que le groupe 2 occupe les trois premières places, ce qui tendrait à indiquer que les techniciens en herbe ont pu accomplir quelques prodiges.

 

Mais, à la quatrième place, on trouve un engin de série, dont le temps chrono ne s'éloigne que de très peu de ses précédents. L'explication de cette place semble claire lorsque l'on sait que le numéro 3 est confié à la main experte de Claude Buchet, dont jusqu'à présent on connaissait surtout les qualités de coureur automobile, tant en côte qu'aux « 24 Heures »... automobiles.

 

Cependant, au-delà des boutades pouvant fuser en direction de « Bu- buche » et de sa reconversion, il faut bien voir que cette compétition présente des difficultés de pilotage importantes ; l'habitude dans la négociation des courbes et dans le choix des trajectoires est prépondérante pour réaliser une bonne performance.

 

Autres vedettes du sport automobile régional présentes ici : l'équipage numéro 15, composé de Luc Galmard et de Francis Canal, qui, cette année, font bonne figure dans le trophée British Leyland. Avec Buchet-Boulay, ils constituent, et avec plus de dix ans d'écart, les vétérans de la course.

 

A propos des essais, on peut faire une autre remarque. Dans leur règlement, les organisateurs n'ont jamais tenu compte du poids. Or, pour de si faibles engins, la masse à transporter joue un rôle prépondérant. Peut-être faudrait-i à l'avenir, prévoir une annexe au règlement prévoyant un poids minimum — pilote + machine — tel que cela existe dans les compétitions de karting. On dit même que quelques volumineux concurrents potentiels furent découragés par ce handicap qu'ils portaient sur eux...

n°4 Coste et Pont et n° 24 Alline-Fouqueray
n°4 Coste et Pont et n° 24 Alline-Fouqueray

Les essais

 

Grande nouveauté pour cette 3ème édition. Elle se déroule sur le tout nouveau circuit de Karting de 1200m renommé quelques années après la piste Alain Prost.

 

Vendredi après-midi et au cours de la nuit, se déroulait alors les essais officiels des 24 H cyclomotoristes du Mans. Nous décomptons alors 24 équipages inscrits répartis en 2 catégories. Les machines de séries avec les groupe 1 et les machines préparées avec les groupe 2.

 

Les machines qui prenaient part à cette course étaient partagées en deux catégories : les unes, strictement de série, les autres préparées selon les pilotes eux-mêmes, ou bien selon les concessionnaires Manceaux de la marque. Depuis plusieurs semaines, les uns et les autres pensaient à cette épreuve et s’entraînaient en vue de pouvoir tenir 24 heures consécutives. '

 

A l’issue de ces épreuves qualificatives auxquelles 24 équipages s'étaient présentés, la meilleure performance a été réalisée par l’équipage composé de Gérard Gaschet et Patrice Hantreberg. Sur une Motobécane modifiée par leurs soins (groupe 2), dans un temps de 1'19”74. Soit sur le circuit d’un développement de 1,200 km et large de 7m une vitesse moyenne qui frôle les 55 km/h.

 

Il s'agit là d'une performance remarquable lorsque l'on sait les difficultés nombreuses de pilotage qui émaillent ce circuit et que d’autre part, la cylindrée des machines ne peut dépasser 49.9 cm3.

 

Cette édition promet d'être passionnante et extrêmement spectaculaire.

n°24 Alline-Fouqueray derrière le n°26 Gashet-Handzeberg les poles mans des 24h du mans 1976
n°24 Alline-Fouqueray derrière le n°26 Gashet-Handzeberg les poles mans des essais

Admirer le panneautage à la taille des machines pour l'équipage Cosson-Duchemin sur une Peugeot 103 de série termine second de l'épreuve. Bel exploit.

24 heures de courage

 

Les cyclomotoristes durent affronter une piste rendue très glissante par les rafales de pluie qui s'abattirent sur le circuit.

 

Même si cette édition n’attire pas la foule des 24h moto, elle attire toutefois ses fanatiques, avec une ambiance qui régnait du côté des stands et s'avéra très rapidement moins sophistiquée.

 

La nuit, tout spécialement, le spectacle de ces lumières tournoyant sur le circuit de 1,2 km, très ramassé, est impressionnant

 

A 16 h, cet après-midi, sur le tout nouveau circuit de karting de l'A-C.O., à Maison-Blanche, vingt bolides de 49,9 cm3 seront rangés en épi le long de la piste ; face à eux, vingt pilotes qui, au signal du starter, courront vers les machines, une ronde infernale de vingt- quatre heures commencera, mettant à rude épreuve les mécaniques, mais aussi les organismes.

 

Pour cette troisième édition des 24 heures cyclomotoristes quatre équipages seulement avaient abandonné 24 heures plus tard.

 

La pluie qui tombait samedi après-midi ne fit renoncer aucun d'entre eux ; les quatre équipages suppléants, qui n'avaient pu se qualifier, la mort dans l’âme, se virent refuser la ligne de départ, les consignes de sécurité du circuit n'autorisaient, en effet, pas plus de 20 concurrents.

 

La piste, rendue particulièrement difficile, réserva quelques surprises durant la première heure ; les chutes furent nombreuses et, hélas quelques fractures ont été à déplorer.

 

Toutefois, la plupart des concurrents surent montrer un courage et une volonté étonnants, compte tenu du froid et du vent. Plusieurs d'entre eux durent même se faire masser afin de ne pas trop souffrir de crampes particulièrement douloureuses dans les jambes. Pour d'autres, l'aménagement de la position sur la machine s'était révélé suffisamment efficace pour qu'ils puissent tenir assez longtemps sans passer le relais.

Courage dans les stands pour Gaschet n°26 à l'issue de son relais de 2 heures
Courage dans les stands pour Gaschet n°26 à l'issue de son relais de 2 heures
Honda Camino n°24 des vainqueurs. Usine-ou-presque : amortisseurs Koni, gros carbu, phare à iode (le porte-batterie est la boite sur le moteur). Le cyclo vient de chuter, et on change une cocotte de frein
Honda Camino n°24 des vainqueurs. Usine-ou-presque : amortisseurs Koni, gros carbu, phare à iode (le porte-batterie est la boite sur le moteur). Le cyclo vient de chuter, et on change une cocotte de frein
Vainqueurs 24h du mans 1976 Alline et Fouqueray
Alline et Fouqueray-Sevaux. victorieux et heureux regardent leur coupe. Avec les cours de l'école du Bugatti, ils peuvent viser d’autres compétitions.
chevrier-Braud 24h du mans 1976
Beaucoup d'ennuis pour le Motobek n°12 modifié de Chevrier-Braud, qui terminera quand même 12ème.

Un circuit difficile

Tourner durant 24 heures sur un circuit de 1 200 mètres, comportant une bonne quinzaine de virages et quelques épingles délicates, par temps de pluie, n'est sans doute pas à la portée de tous. L'endurance physique des uns et des autres a été remarquable, et l'ambiance qui entourait cette compétition suffisamment chaude pour que l'on ait envie de connaître un peu mieux ces jeunes gens que la mécanique passionne.

La plupart sont encore des amateurs, au sens le plus riche de l'expression, avec ce qu'elle a, à la fois, de sympathique et de chaleureuse. Les moyens mis en cause sont encore à la mesure des individus qui peuvent sacrifier à leur passion, avec quelque espoir de se voir triompher. Mais il semble bien que les prochaines éditions mettront fin à cet état d'esprit, car les marques viendront sans doute très vite encourager leurs couleurs avec des moyens qui ne pourront que décourager l'amateur. La popularité de l'épreuve aidant, le marché du cyclomoteur est suffisamment ouvert pour que la concurrence apparaisse même à ces 24 heures cyclomotoristes.

Aperçu des stands

Venus pour gagner aussi : comme il n'y a rien pour recharger la batterie, toutes les heures et demie, elle sera simplement remplacée. Les roues de rechange n'ont pas servi, elles pourront rentrer en stock chez le cyclomotociste du Mans qui avait engagé la machine.

Ravitaillement pour la Mobylette du M.C. Vallée : seuls concurrents venus dailleurs que la région mancelle. l'équipe de La Garenne-Colombes était là pour gagner, mais la mécanique en a voulu autrement.

Ravitaillement pour la n°30 Cirou-Minette
Ravitaillement pour la n°30 Cirou-Minette

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme pour le Bol d’Or, on retrouve brusquement l’atmosphère typique des stands de ravitaillement. Les mots ne trompent pas « Je suis vanné... impossible de dormir... c’est dur ce circuit... Il faut toujours avoir un œil derrière et un œil devant. J'ai les genoux en compote... Je ne peux plus bouger les doigts.

 

Les 24 heures cyclomotoristes ne sont pas joués pour autant. Depuis le début de la nuit la bagarre fait rage entre le grand favori de l’épreuve le Honda-Camino n° 24 et le Peugeot n° 15.

 

Les équipages se valent et tournent dans les mêmes temps.

 

M. Alline, le concessionnaire Honda, a misé sur son fils et sur Stéphane Fouqueray Sevaux un habitué de la Coupe Kawasaki.

 

Mais dans le camp d’en face (la 35 on a des références aussi. Luc Galmard et Francis Canal disputent chaque week end le trophée British - Leyland

Mais après une lutte à couteaux tirés l'équipage Galmard- Canal est trahi par sa machine. « c’est dommage pour eux ». commente M. Alline. « ... et pour la course. Mais attention ce n’est pas fini. On n’est pas à l’abri d’un incident ».

 

Cet incident, on le sait maintenant, n'eut pas lieu et le Honda Camino franchissait dimanche, à 16 heures, la ligne d’arrivée en grand vainqueur... Moins de trois semaines après sa sortie officielle sur le marché français- Un coup de maitre pour Honda • France l Et pourtant tout avait bien mal commencé' Certes, dès les premiers tours le numéro 24 avait pris le large et ce malgré la piste détrempée.

 

Mais au deuxième relais c’était la chute et ses conséquences immédiates : poignée de frein à changer. Au total, 9 minutes de perdues. Tout rentre dans l’ordre cependant car le Camino a de la ressource. Dans l’euphorie de sa remontée le fils Alline tombe en panne d'essence à l'autre bout du circuit. C’est la poussette jusqu'au stand... pour s’apercevoir qu'en définitive le robinet de réserve n’avait pas été tourné. Aujourd’hui on en rit... mais sur le coup on vous prie de croire que les éclats de voix s’entendirent de loin.

 

Outre le 24. Les Honda Camino terminèrent tous en bon rang, le 23 et le 22 prenant les cinquième et sixième places, un bon test de fiabilité pour ce tout nouveau modèle vendu selon le type entre 1 470 F et 1 879 F et garanti un an pièces et main-d'œuvre.

 

Ces 24 heures ont prouvé qu’avec un peu d’organisation, beaucoup de cœur, un Honda Camino, un Peugeot à variateur, ou une Mobylette peuvent tourner pendant 24 heures sur un circuit de kart bien viroleux, avec de mauvaises conditions atmosphériques, à une moyenne supérieure aux 45 km/h que la loi prétend leur imposer comme vitesse de pointe…Les modifications de toutes sortes étaient autorisées, mais les engins strictement standards ont fait jeu égal avec les pièges les plus élaborés : ces derniers manquent donc un peu de mise au point mais leur présence a embelli le spectacle. Rois de la lime, champions du fer à souder persévérez !

Comment virer en ouvrant toujours la jambe façon Lansivuori, avec ce vinguieu de pédalier. Ce 104 de série a terminé 11e grâce à Reton et Chateau Devant, la Mob qui avec son pot vidé façon mégaphone (hérétique, va !) terminera juste devant la lanterne rouge mais avec le |mérite pour les frangins Coutable d'avoir été les seuls à ne pas se répandre sur le bitume durant ces 24 heures.

Carénage, embrayage verrouillé, disque de 125 Yam' percé comme un emmenthal (le comté a des petits trous...), une gueule terrible ; et une bonne organisation au stand.
Carénage, embrayage verrouillé, disque de 125 Yam' percé comme un emmenthal (le comté a des petits trous...), une gueule terrible ; et une bonne organisation au stand.

« Privés » et « officiels »

 

Certains ont couru sans aide, avec seulement quelques bidons de mélange, des jeans vaguement rembourrés de cuir aux genoux, quelques outils d'emprunt et le bouillon chaud que leur tendait leur copine aux relais. Ils ont formé le gros du plateau, et sans eux ce type de courses perdrait beaucoup de charme : ils méritent donc des hommages en proportion de leur courage car n'oubliez pas que pour certains un guidon tordu dans une bûche coûte autant de sacrifices qu'un moteur compé-client à d'autres. D’autres concurrents avaient une machine neuve, des pièces, un mécanicien qualifié, un équipement de moto, et cela ne leur ôte pas de mérite, mais parfois l'excès de moyens a entraîné un excès de ce sérieux auquel il est si facile de se laisser prendre...

 

En passant, regrettons aussi l'absence des 4 temps, qui sont objectivement, si-si, les seuls vrais Monos. Debout, les morts ! Morinis, Hondas de la grande époque, venez exhaler encore votre souffle rauque et riciné : pas de grands spectacles sans grande musique.

 

En 1976 pour y participer

 

II fallait acquérir une licence de régularité à la journée (60 F par pilote) et payer les droits d'engagement de 150 F par équipage.

 

Deux pilotes devaient se relayer au guidon, la durée autorisée pour un relai étant de 3 heures, comme au Bol d'Or. Qui dit licence dit permis de conduire A1 au minimum, donc 16 ans minimum, dommage... Les cyclomoteurs devaient, au choix, être strictement de série (Groupe 1) ou bien du Groupe 2 défini comme suit : toutes modifications autorisées, à condition que la cylindrée ne dépasse pas les fatidiques 49.9 cc et que le carburant soit de l'essence du commerce, ou du super, bien sûr...

Arrivée saluée par tous les accompagnants et amis
Arrivée saluée par tous les accompagnants et amis

 

Polémique de cette édition : Le Camino des premiers s'était avéré être une "silhouette", après démontage : fourche alourdie en partie basse pour équilibrer l'engin, moteur très bien assemblé (pour ne pas dire libéré), etc... Les échanges d'après course en 76 ont été vifs... mais personne n'a voulu s'attaquer à Honda France... Et les pilotes présents ou pressentis, certains habitués des 24H auto ou au nom connu (Chemarin, Rondeau, Buchet, Canal) donnaient suffisamment d'aura (locale) à l'épreuve pour que personne ne veuille faire de vagues.