1986

Départ sous un soleil de plomb, sur une ancienne piste d'aviation.
Départ sous un soleil de plomb, sur une ancienne piste d'aviation.

Retour sur le pourquoi des 24h de Cognac

 

 

Ce n’est jamais simple de réunir tous les ingrédients qui permettent le succès total d’une compétition, qui plus est de 24h.  Afin que le public, les pilotes et organisateurs soient pleinement satisfaits. Ainsi l’édition 1985 des 24h du Mans cyclo avait montré des difficultés en terme de rapport entre organisateurs et pilotes, c’est dommage car tout le reste ne pouvait souffrir d’aucune critique : circuit parfait, infrastructure géniale, personnel nombreux, etc, etc ... Conséquence l'A.C.O. n'a pas souhaité reconduire sa «classique, des petits cubes, préférant se donner un peu de recul et de réflexion pour au moins une année. M. Degrange, Président de la Commission CYCLO, conscient qu'il était de l'importance d'une course de 24 heures dans un championnat, s'est alors tourné vers son motoclub, le Cognac M.C., dont la réputation de sérieux et de qualité n'est plus à faire.

 

Tout était engagé pour que cette 24h ait lieu sur la base militaire de Cognac, en accord avec les autorités locales, deux mois avant la date fatidique, M.Rétaud, le Président du Cognac M .C., fut invité à rechercher une autre piste. Motif : augmentation des tensions internationales et réquisition de tous les terrains. La mort dans l’âme, et pour ne pas annuler l’épreuve, l’organisateur  se retrancha sur un autre circuit. Un circuit qui, de par son revêtement, allait déclencher un tollé général de la part des pilotes.

 

Cognac

 

La course

 

Au terme de cette première édition des 24h de Cognac qui a vu la victoire sans surprise de la MBK usine de Ménager/Pelletier/Cheron en Groupe 3 et le succès mérité de la MBK Mathé de Fourel/Maillard/Rottie en Groupe 2, on peut affirmer que personne n’oubliera ces 24h qui resteront pour quelques-uns, un mauvais souvenir, et pour d’autres le plus grand nombre un bon souvenir.

 

Les épreuves de 24 heures exercent chez beaucoup de pilotes une fascination quasi mystique. «Tout fervent du sport motocycliste doit, au moins une fois dans sa vie, avoir pris le départ d'une « 24 h » comme on dit dans le milieu. Encore plus pour cette première édition des 24 Heures de Cognac, qui remplaçait les traditionnelles 24 Heures du Mans Cyclo, on peut même affirmer que c'est cette espèce d'attirance irrésistible vers les longues endurances, cette passion immense pour la course qui a permis "à l'épreuve de se dérouler à peu près normalement car, reconnaissons-le, quelques heures avant le départ, l’affaire était plutôt mal engagée.

 

C’est sûr l’endurance de Cognac a atteint des sommets, au niveau de la difficulté, tant pour les machines que pour les pilotes, jamais franchis auparavant.


Peugeot déclare forfait

 

Après la première journée le parc des concurrents se mit à s’agiter. En effet le circuit tracé sur le vieil aéroport du Parveau Gente n’avait, il faut bien le reconnaître, rien à voir avec ce qu’on entend d'ordinaire par piste de mob. A Cognac, Il s’agissait d’un grand carré d’environ 400m de côté sans grand intérêt. Tout se jouait à la puissance, à la vitesse de pointe et aux freinages. Aucune succession de virage, pas l’ombre d’une courbe à droite (le circuit tournait dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, ce qui assez inhabituel. Un revêtement complétement dépassé, plein de trous, de bosses et de raccords. Donc pas le profil idéal, et malgré les efforts du M.C Cognac pour améliorer le revêtement particulièrement abimé (pose de goudron dans les virages, trous massivement rebouchés, passage de la balayeuse,..), la gronde ne retomba pas pour certains. Cette course était annoncée depuis de longue date par tous médias régionaux, fait quasi unique dans les annales des courses de mob pour mériter d'être signalé.

 

Au moment du départ, sur les 55 engagés, il manquait toujours 4 équipages à l’appel qui refusèrent de prendre le départ :

 

Le team MCM composé de Lepape/Garnier/Steenbaker, sur un XG2, les Périgourdins Vérier/Gonzalés sur Peugeot G3, les manceaux Raynal/Gouhier et surtout, plus surprenant, le team officiel Peugeot de M. Billion, à savoir Cheron/Pelletier/Billion. M. Billion, le coach Peugeot déclara ainsi pour justifier le forfait de l'équipage Chéron/Pelletier : «Après 24 heures de course sur un tel circuit qui non seulement, fera énormément souffrir les moteur (il n'y a que de longues lignes droites), les parties cycles mais aussi les pilotes, avec tous les risques que cela peut entraîner. Nous ne pourrons certainement plus aligner notre XG2 à l'épreuve de Trélivan qui se déroulera la semaine d'après. Et, cette course de Trélivan, je sais que nous avons les moyens de la gagner. Alors, entre Cognac la «dure » et Trélivan la «sûre », je choisis Trélivan ». Contre toute attente, Peugeot  avait donc déclaré forfait.

 

Le spectacle allait pouvoir se dérouler à peu ·près normalement, au grand bonheur de l'organisateur qui, et cela mérite d'être signalé, bénéficiait pour cette épreuve d'un important soutien médiatique (grandes pages de pub dans les journaux, affiches colossales, présence de la radio locale).

 

 

 

Le XG2, G3 à la sauce Bevan (avec un gros carburateur)
Le XG2, G3 à la sauce Bevan (avec un gros carburateur)

Néanmoins, on retrouvait quand même sur la ligne de départ, 2 Peugeot XG2 alignées par des concessionnaires. En Groupe 2, on pouvait apprécier la présence du team Simoni (Eliou/lbanez/Pirodon) et en Groupe 3, Armel Bevan et son XG3, gonflé en gr3 confié à 3 anciens du 80. Paul Dolo, Pascal Kambourian et Marc Unau, de quoi sauver l'honneur de la marque au Lion.

 

Sur le plan technique, pas vraiment de grosses nouveautés. A part, naturellement l'arrivée du XG2 (le XG3 Bevan n'est en réalité qu'un XG2 muni d'un gros carbu). Signalons quand même la présence de nombreux MBK CF  montées avec le nouveau kit liquide Gr2 et quelques MBK kités Gr3 et des  2 MBK usine qui exhibaient un look nouveau. Les 2 machines engagées par le labo (2 équipages Ménager/ Pelletier/Chéron et Daca/Guilmet/Coulon) brillaient principalement par la pose d'un ensemble Polyester et d'un pot d'échappement très spécial qui sortait de la selle. Permettant ainsi aux pilotes de se poser sur le faux réservoir et d’éviter de se brûler.

Team MBK n°78 vainqueur en Gr3 restylisé pour l'épreuve.
Team MBK n°78 vainqueur en Gr3 restylisé pour l'épreuve.
Nombreux problèmes techniques sur le XG2 Bevan en G3. Ici Armel Bevan poussant son pilote Pascal Kambourian pour ramener la machine au stand.
Nombreux problèmes techniques sur le XG2 Bevan en G3. Ici Armel Bevan poussant son pilote Pascal Kambourian pour ramener la machine au stand.

Départ

 

Rappelons que cette épreuve compte double en termes de points au championnat, et qu’ainsi beaucoup de choses peuvent se jouer.

 

C’est donc sous un soleil et une chaleur étouffante que le départ fut donné façon Le Mans.

 

Après quelques petits tours en tête, le Lillois Eddy Février qui effectuait à Cognac un retour très remarqué sur une CF G3 aux côtés de JP Jeandat, avec lequel il s’était tant battu en 85 en G2 et d’Alain Demotta (un gars qui marchait fort en Promosport 500 et qui avait souhaité goûté à la mob, grâce au soutien de Zonzon).

 

Mais Philippe Pelletier remis rapidement les choses en place en s’emparant du commandement. D'ailleurs qui à Cognac, aurait pu rivaliser avec les bleus. Même pas la seconde MBK usine (Coulon/Daca/Guilmet) qui allait abandonner rapidement sur bris de moteur.

 

Pascal Kambourian pendant un moment a bien tenté de s'accrocher, mais la tâche était vraiment trop ardue. Sans véritable adversaire, le trio Ménager/Pelletier/Cheron n'eut donc aucun mal à creuser l’écart sur leur poursuivant direct, d'autant plus que derrière, la liste des abandons, au fil des heures, s’est allongée. Mais la vie n’a pas été tout de même un long fleuve tranquille pour le trio de tête. Ainsi Christian Ménager a chuté après un beau vol plané (conséquence : fracture de la clavicule tout de même). Ils se sont quand même permis de remporter l’épreuve haut la main avec plus d’une heure et demie d’avance (soit 80 tours) sur l’autre MBK celle du team Zonzon. Et pourtant Jean-Pierre Jeandat n’amusait pas le terrain, ainsi et sans complexe il tournait 5s plus vite que son propre équipier Alain Demota qui malgré tout a bien apprécié l’expérience.

 

 

Jean-Pierre Jeandat très performant tout au long de ce week-end.
Jean-Pierre Jeandat (team Zonzon) très performant tout au long de ce week-end.
Les frères Levieux sur leur BL2 ne verront pas l'arrivée.
Les frères Levieux sur leur BL2 ne verront pas l'arrivée.

Les premiers abandons notoires reviennent à l’équipage Levieux/Levieux/Naquin (bris du vilebrequin de leur BL2 DPPM), Manso/Caubel/Senigoult (perte du variateur) Chevallier/Ferrand/Fleury (casse des carters alors qu’ils étaient pointés  seconds).

 

De son côté, Armel Bévan, victime de plusieurs ennuis mécaniques sur son xg3 dont un ensemble cylindre-piston, parvint à mener ses hommes à une brillante troisième place qui permet à Pascal Kambourian et Paul Dolo de remonter au classement du cdf et de pointer respectivement 5 et 6 au général. A ce moment-là Pascal Kambourian n’a plus que 14 points de Retard sur Thierry Chéron. Il restait 3 épreuves à disputer (après coup 2 après l’annulation de la course de Grenoble).

 

Bonne opération aussi pour Cyril Pinsard, manager d'une petite écurie qui grâce à des consignes très strictes données à son équipage  Gouletquer/Flichy/Catacako (il fallait rôder) a pu réussir l’exploit d'amener son MBK G3 à la quatrième place de ces 24Heures. De la même manière le proto des frères Maire, engagé par Scanner Moto de Colombes et pour le Cycmo d’Hubert/Lartin/Gridum qui termine, détail amusant sans aucunes suspension arrière. Les biellettes d’amortisseurs ayant cassé. Ils ont tout souder ensemble pour finir. Finalement seuls 9 groupe 3 rallieront l’arrivée.

En Groupe 2, on attendait un peu cette victoire de l’écurie n°34 Mathé (concessionnaire à Fontenay Le Comte). Déjà très menaçant depuis le début de saison. Pascal Fourel, Arnaud Maillard et Rottier se présentaient à Cognac comme les véritables favoris. Forts de leur expérience en endurance et de la vélocité de toute l’équipe ainsi que de leur MBK refroidie par eau (les kits venaient juste d’arriver). Une équipe menée de main de maitre par Didier Thomas. Rapidement comme en groupe3, les positions allaient s’éclaircir, en fonction des abandons et des nombreux ennuis techniques rencontrés par la concurrence.

 

Pascal Fourel sur la CF n°34 pendant la nuit sur une piste peu éclairée.
Pascal Fourel sur la CF n°34 pendant la nuit sur une piste peu éclairée.

Abandons en nombre

 

Ce fut tout d'abord au trio Ghidini/Le Garec/Salibur (sur serrage) d’ouvrir la liste, suivi de près par les Chantillois Buckley/Buchner/Delafaix, les manceaux Vignolas/Poux/Dastarac et bien d’autres comme pour les bretons Rovere/Fravalo/Segalen (chute de ce dernier pendant la nuit… Hervé s’en tire à peu près bien, mais la MBK est complétement ruinée. Faut dire qu’une gamelle en ligne droite à environ 120 km/h, ça fait mal), et enfin de l’équipage Desneux/Panayotides (casse moteur) sur MBK Motorelec.  Sans compter que dans tout cela, et surtout avec l’apparition du nouveau kit liquide pour CF, beaucoup d’ennuis assez grave frappèrent pas mal de concurrents : bris de carters moteurs aussi pour l’équipage Cassegrain, Chevalier/Ferrand/Fleury ou  casse de volant d’allumage (équipage Corner Of the Street, Pacherie/Pierron qui n’allait toutefois pas abandonner) et encore de nombreuses chutes importantes viendront marquer l’épreuve. Surtout durant la nuit où la signalisation du circuit était loin d’être optimale. Ca manquait d’éclairage, voir presque pas. Il y avait tout juste un grand spot au fond du circuit. Ajouté au fait qu’il n’y avait pas ou peu de raccord entre les plaques de ciment, c’était franchement limite.

 

Nombreux CF ont eu des soucis sur les nouveaux allumages, comme ici l'équipage n°6
Nombreux CF ont eu des soucis sur les nouveaux allumages, comme ici l'équipage n°6

Cavalier seul des Vendéens

 

Après toutes ces défections et ces éliminations, on retrouvait au matin un groupe de pilotes à l’affût du CF de Fourel/Maillard/Rottier, en la personne de Chevalier/Dissais et Nouzille/Charpentier (qui baissèrent la cadence sur la fin), Hastir/Patrin/Deiss, Charoy/Picq/Fadi et Gilbert/Thibaudeau/Piaux. Sans jamais parvenir à ramarrer la machine de tête, ces équipages termineront bon second pour Chevalier/Dissais (Ets Chevallier à Epernon) devançant un autre CF, ceIIe de Boulogne Accessoirement (Hastir/Patrin/Deiss)  après une fantastique remonté complétée par l’autre équipage Mathé de Gilbert/Thibaudeau/Piaux. Quant à l’équipage Guyot/Goudey/Vanteclaye sans cesse en proie à des problèmes mécaniques, ils ne pourront faire mieux que huitième.

 

Week-end noir pour Jean-Pierre Pacherie qui ne parviendra pas à se placer dans les points, en terminant 16ème  et qui par la même occasion voit passer devant lui au championnat, Arnaud Maillard, Pascal Fourel, et Jean-François Guyot. Le titre 86 se jouera entre ces 4 hommes.

 

Grosse bagarre derrière pour suivre le rytme des leaders du Gr3 et du Gr2, ici la n°19 pilotée par JF Guyot en bagarre avec Eddy Février, qui finira 8ème
Grosse bagarre derrière pour suivre le rytme des leaders du Gr3 et du Gr2, ici la n°19 pilotée par JF Guyot en bagarre avec Eddy Février, qui finira 8ème

Photo 1 : Arnaud Maillard pendant un relais sur la machine vainqueur des 24h en Gr2.

Photo 2 : la nuit fût éprouvante pour les machines et les hommes. Avec une chaleur caniculaire

Photo 3 : ça roule comme une horloge  pour l'équipage MBK usine, sous les yeux  de Thierry Désiles le chef mécano

Photo 4, 5 et 6 : l'équipage Meubles Fadi n°39 de Thierry Karoy qui terminera à une belle 6 ème place en G2. A noter la seule et unique Cycmo (n°6) Hubert/Lartin/Gridum engagée en G3 avec un rose qui ne passait pas inaperçu sur la piste.