1977

ALLINE-SEVAUX intouchables comme en 76

C'est parti pour une ronde de vingt-quatre heures. Un tour du circuit Alain-Prost vient d’être bouclé, la pendule affiche 16 h 01 passée.

Le Camino n° 4 est déjà en tête, suivi d'un Peugeot et d'une Motobécane.

 

En 1977, Sevaux, déjà vainqueur en 1976, associé à Alline, l'emporte devant Géraldine Crevel, Zahn et Lauriot. L'équipage du meilleur temps des essais, Minette et Gay sur Peugeot, complète le podium.

Départ de la 4ème édition des 24h du Mans en septembre 1977
Départ de la 4ème édition des 24h du Mans en septembre 1977

 Second succès pour Sevaux-Alline et record pulvérisé

Ces 4e 24 heures d'endurance nationale à cyclomoteur ont vu tomber tous les records : record de spectateurs (2000 environ), record de moyenne : presque 52 km/h (avec des machines de série limitées à 45. En 1976, la moyenne était de 45 km/h donc 10 bornes plus vite cette année !!!) record de distance puisque 1155 km ont été parcourus par l'équipe Alline-Sévaux. Même le temps s'est mis de la partie, et l’astre solaire chatouilla agréablement pilotes et mécanicien  dès 8 heures du matin.

 

Ce mini Bol d'Or, « à la portée de tous théoriquement », a quand même vu l'apparition de cyclos superbement préparés et assistés par des équipes de mécaniciens entraînés aux changements de pièces, quelles qu’elles soient, à des allures de record.

 

Pour avoir des chances de figurer parmi les cinq premiers, il faut être sponsoré par un fabricant de cyclo ou avoir la possibilité de débourser aux alentours de 6 à 7000 F comprenant l'achat d'une machine neuve, les pièces de rechange, les inscriptions, les déplacements de l'équipe « technique ».

 

Il y a tout de même les purs, les « qui ne gagnent pas, mais qui participent » et ils furent nombreux car sur 30 équipages qualifiés, 29 pointèrent après 24 heures de course — à fond, et pour la plupart, tel le frère de J.-C. Chemarin qui totalisa 11 chutes en 24 heures. Trois petits malins ont présenté au pesage des 50 Yamaha sans pédale mais avec des certificats des Mines les homologuant en catégories cyclomoteurs. Encore une nouvelle législation? Après les essais, ils furent mis hors course, leurs machines de « série » tournaient 4 secondes plus vite par tour que les Camino les plus Véloces des cyclo.

Un coup de chapeau à Gaschet et Unau qui amenèrent au bout leur mobylette de 1957 malgré de nombreux ennuis techniques et quelques chutes.

Polémique autour des Yamaha 50 RD homologués comme des cyclomoteurs ici la n°34 du Team AVENTURE
Polémique autour des Yamaha 50 RD homologués comme des cyclomoteurs ici la n°34 du Team AVENTURE

 

Charles Alline et Stéphane Sevaux (n°1) ont remporté pour la seconde fois consécutive les 24 heures d'endurance nationale de cyclomoteurs. Une belle performance à leur actif au guidon d’une Honda. Ils ont dominé de bout en bout l'épreuve ne laissant qu'à leurs camarades d'« écurie » Géraldine Crevel,  Zahn le loisir d'occuper la première position durant la deuxième heure. Mais par la suite, ils firent bonne mesure et pulvérisèrent le record à la distance, 1 246,8 km au lieu des 1 153,2 de l’année dernière. Le beau temps a favorisé leur exploit, lis ont gagné plus de 93 m cependant et leurs qualités de pilote ont contribué à l’amélioration de la performance.

En fait, on ne s'étonna pas de leur victoire. Ils faisaient partie d’une écurie organisée (mécaniciens, assistance) alors que la plupart de leurs rivaux se contentaient d'improviser. L’usine contre les privés en motocyclisme, en quelque sorte. L'argent contre le bénévolat. Cruel dilemme dans lequel se débat la compétition dès lors qu'elle devient officielle et que l'on s’intéresse à elle. Les fabricants et les sponsors ont besoin de résultats. Les amateurs ne pensent qu'à s’amuser. Ils ne parlent pas le même langage.

Equipage Minette-Gay n°78 sur Peugeot 103, premier aux qualifications et longtemps animateur de cette course.
Equipage Minette-Gay n°78 sur Peugeot 103, premier aux qualifications et longtemps animateur de cette course.

 

A l’heure du départ, les concurrents s’élancent vers leurs machines pour une course d’endurance impitoyable où les Honda Camino ont démontré leur incontestable supériorité

Ainsi ALLINE et SEVAUX récidivent et remportent les 24 Heures cyclomotoristes en ayant parcouru 1 246 km

 

Cette quatrième édition des 24 heures d'endurance nationale cyclomoteurs du Mans aura tenu toutes ses promesses, tant du point de vue de la performance technique des petits engins, que de celui du courage et de la ténacité des pilotes

 

Près de quatre-vingts engagements étaient parvenus à l'A.C.O., une soixantaine se présentaient aux essais, mais seuls trente équipages étaient au départ après sélection où la bagarre fut intense.

Samedi matin un temps pluvieux détrempait la piste du circuit et faisait craindre le pire pour la course, mais heureusement, en début d'après-midi, le ciel se dégageait et la piste était sèche au moment où François Bollée donnait le signal du départ.

 

La Peugeot 78 de Minette-Gay, qui avait effectué la meilleure moyenne aux essais, partait en tête et dès le premier tour était à la lutte avec la Honda N° 1 de Alline-Sevaux. La course était bien lancée et cette bagarre du premier tour allait se perpétuer entre ces deux équipages durant 24 heures. Mais au quatrième tour de piste. Eric Gay perdait le contrôle de son engin, juste avant la ligne droite et faisait une chute qui permettait à la N° 1 de le dépasser, elle-même suivie de la Honda N° 2 que pilotait Géraldine Crevel, la seule femme engagée dans la course. Malgré cela, la 78 restait toujours dans le coup et au fil des heures, il devenait évident que les Honda affirmaient leur supériorité, les seuls éléments qui tentaient de contester étant la 78 bien sûr, mais également la 21 de Noblet-Coquillard-Ménard. 


Geraldine Crevel n°2 entre 2 relais
Geraldine Crevel n°2 entre 2 relais

 

Dès la sixième heure de course, il semblait évident que, sauf incident, la victoire ne pourrait échapper à l'une des machines du team Alline qui bénéficiait de l'avantage considérable de très bien connaître le circuit puis que son équipage vedette n'était autre que les vainqueurs de l'an passé, que la N° 3 était confiée à Michel Krinÿ l'un des grands animateurs de la course l'an dernier et à Yves Guilleux, un pilote moto expérimenté. Quant à la N° 2, elle avait l'avantage de posséder en Géraldine Crevel, une petite bonne femme de pilote qui tout au long de la course et spécialement la nuit a fait l'admiration tant des pilotes que des spectateurs.

 

Mais derrière, tout semblait encore possible à la 78 qui, cependant connut en début de nuit de très nombreux avatars qui la firent rétrograder dans les abîmes du classement et il fallut toute la dextérité et le courage de ses pilotes pour la ramener à talonner les futurs vainqueurs.

 

Il est dommage qu’un chronométrage officiel, tour par tour n'existe pas encore dans cette compétition car il démontrerait sans doute que cet équipage réalisait les meilleurs temps absolus sur le circuit.

 

Sur ce plan, ils auraient sans doute à partager la palme avec la Peugeot 21 du team Aristophane qui, elle aussi, connut de très fréquents arrêts à son stand au cours de la nuit pour des motifs de mélange non adapté à la bonne marche de l'engin.

 

HONDA Camino n°2
HONDA Camino n°2
Motobécane n°29 Olivier Jusseaume
Motobécane n°29 Olivier Jusseaume

Les 2 Honda camino n°1 et 2 qui se sont tirés la bourre pendant ces 24h. On aperçoit Thierry Liban n°7 qui essaye de suivre le rythme des leaders sur son Peugeot.

De belles bagarres tout au long de l'épreuve
De belles bagarres tout au long de l'épreuve

DES REVELATIONS

  

Il n'est pas question d'enlever quoi que ce soit au mérite des vainqueurs. Ils ont parfaitement honoré leur contrat. Mais puisque l’on parlait beaucoup d'esprit sportif, on s'étonna de voir, à une heure de la fin, le leader tirer une autre Honda pour tenter de ramener à la troisième place et surtout s'arrêter aux nouvelles quand la machine de Chemarin (le frère de Jean-Claude) serra son moteur.

 

Honda, qui reçut la visite de Japonais, ne réussit donc pas le triplé. Car les privés Minette-Gai remontèrent de la 26e à la 3° place. Ce fut un des hauts faits de cette course.

 

Le jeune Gay (17 ans) notamment, se révéla aux yeux du public. Ces 24 heures retrouvaient alors leur vocation première de promotion de pilotage. Une femme qui « tape » les hommes. Ce n’est pas courant « En attendant de courir un jour le Bol d'Or », révélait-elle avec le sourire.

 

Côté négatif, on nota encore que la Honda N° 4 fut pénalisée de 10 tours par les commissaires pour avoir voulu pousser à plusieurs reprises les petits camarades en pleine nuit.  

Ravitaillement de la Honda officielle n°5 de Chemarin
Ravitaillement de la Honda officielle n°5 de Chemarin
De nombreuses chutes ont émaillé cette édition. 11 au compteur rien que pour Jean-Luc Chemarin sur la n°5. Ici c'est Rapicault n°39 qui tombe devant les roues de Ménager n°18.
De nombreuses chutes ont émaillé cette édition. 11 au compteur rien que pour Jean-Luc Chemarin sur la n°5. Ici c'est Rapicault n°39 qui tombe devant les roues de Ménager n°18.

LA VALEUR N’ATTEND PAS LE NOMBRE DES ANNEES

Vivante farandole formée par les trente « mini-bécanes » cette quatrième édition des 24 heures du cyclomoteur n’a pas amené un nombreux public. Les organisateurs avaient en effet prévu 3000. Il y en eut trois fois moins.

 

Je dirai que tout n’avait pas été fait pour attirer un large public, l’accès élevé en découragea beaucoup.

Pré-grille prendant les essais.
Pré-grille prendant les essais.

 

Pourtant ces 24 heures furent passionnantes à plus d’un titre. L’activité déployée par les jeunes pilotes et leurs mécaniciens sur la piste dans les stands mérite le détour. Si les super-favoris, l’écurie semi professionnelle Honda, l’emportèrent sans problèmes, la lutte des équipages plus modestes pour essayer de contrecarrer les plans de l’ogre « Japonais » polarisa l’attention. Ce fut la lutte de David contre Goliath. Sauf que Goliath demeura le plus fort.

 

Une lutte inégale

L’ambiance avant départ était déjà fébrile. Une tension palpable. Il manquait des officiels sur l’un des postes de secours du circuit et l'un des pompiers parlait de reculer le départ.

Mais tout fut remis en ordre à 16 h. Dès les premiers tours, les magnifiques Hondas se détachèrent de la meute rugissante avec l’élégance de félins.  Alline, le premier attaquait sans relâche dans tous les virages, balançant son grand corps dans des angles difficiles. Surpris, l'équipage Minette-Gay, favori de l'épreuve depuis leur première place aux essais rétrogradait dans l'anonymat. Un problème de pneus qui fut difficile à résoudre.

Dans le « pack » poursuiveur la lutte était à son apogée. Les chutes sans gravité heureusement, se succédaient à vive allure, punissant les pilotes trop fougueux.

Le public, d’abord étonné de ce spectacle peu banal s'enthousiasma au fil des tours pour ces petits jeunes affichant sans complexe d'étonnantes qualités.

Au fil des stands, le spectacle différait. L’organisation Honda laissait rêveur. A chaque arrêt d'un des bolides, trois mécaniciens en combinaisons vertes se précipitaient sur l'engin, diagnostiquant, guérissant aussitôt le moindre mal de la pauvre chérie.

A côté, au stand des < amateurs décontractés > du club de jeunes de l’an 2000, l'ambiance était plus joyeuse. Cyril Barrier, le frère de Thierry, en était tranquillement à sa septième chute. Sans forcer.

Et la nuit tomba, plongeant brusquement dans la torpeur une piste où évoluaient désormais d’étranges lumières jaunes et rouges. Le public, un instant émerveillé par ce serpentin bizarre, ne résista pas à la froidure et s'en retourna.

Le café matinal redonna l'énergie. Allongés sur leurs engins, les pilotes réapparurent à la lueur orange d'un magnifique lever de soleil.

Honda continua inlassablement son festival jusqu'à l'arrivée. Le public revint, vers 10 h, pour vivre intensément les derniers moments d'une course qui afficha d'une manière évidente les différences de moyens entre une écurie amateur et professionnelle.


Le drapeau est abaissé sur la victoire de l'équipage Alline-Sevaux
Le drapeau est abaissé sur la victoire de l'équipage Alline-Sevaux

 

Disputée avec passion et acharnement tout au long de son déroulement, la quatrième édition des « 24 Heures d'endurance nationale cyclomoteurs » a fait la preuve par trente que l'endurance n'était pas le seul fait de la cylindrée.

 

Avec des machines de série (ou presque) qui s'étaient qualifiées à l’énergie lors des essais de vendredi 30 places pour 78 candidats) les concurrents ont livré un impitoyable combat contre le chronomètre et face à un adversaire souvent retort à se laisser faire.

 

La course fut splendide non pour le suspense qui en résulta car la supériorité des Honda Camino venus en force défendre le prestige du modèle japonais ne fut jamais mis en doute d'autant que l'usine de Bagnolet avait confiance à d’excellents pilotes comme, par exemple, la paire Alline-Sevaux  qui sut éviter le piège de la facilité pour rééditer avec brio son succès de 1976.

 

On ne gagne jamais deux fois par hasard une épreuve au long cours.

 

Honda plaça donc deux de ses modèles aux deux premières places, la jeune Crevel stupéfiant, une assistance pourtant avertie par son audace et prenait du même coup part au succès total des « Made in Japon ».

 

Derrière, par contre, la « querelle » s'avéra redoutable. De la troisième à la dixième place, ne trouve- t-on pas sept équipages en moins de dix tours, soit douze kilomètres au total. II ne fallait surtout pas se « mélanger les pédales » dans la tactique à suivre. A ce jeu, les plus malins s'avérèrent être l'équipage Minette-Gay (troisième) pourtant handicapé au départ par un fâcheux problème de pneumatiques et les opiniâtres Dry-Cathala (quatrième) tous les deux sur Peugeot.

 

Jean-Luc Chemarin (le frère de Jean-Claude) qui défendait les chances de l'école moto de I A C 0 (sur Honda bien sûr) en compagnie de Patoureau connut la noire malchance de « serrer » son moteur à moins d'une demi-heure de l’arrivée alors qu’il venait menacer le troisième en personne après une sensationnelle remontée mais l'endurance, c'est bien connu dure 24 heures.

 

Rendez-vous est déjà pris pour 78, quand chaque « partie » pourra organiser sa propre course...


Podium final : n°1 Sevaux-Alline, n°2 Crevel-Zahn, n°78 Minette-Gay
Podium final : n°1 Sevaux-Alline, n°2 Crevel-Zahn, n°78 Minette-Gay
Une photo dédicace pour Thierry Liban pilote de la n°7 une Peugeot 103 sur cette édition, que je remercie pour les archives des années 76, 77, 78 et 79
Une photo dédicace pour Thierry Liban pilote de la n°7 une Peugeot 103 sur cette édition, que je remercie pour les archives des années 76, 77, 78 et 79

La foule était au rdv à l'arrivée
La foule était au rdv à l'arrivée

 

Une formule qu'il faut maintenant protéger

 

Cette quatrième édition des « 24 Heures » d'endurance cyclomoteurs du Mans aurons marqué l'entrée de cette compétition dans une phase adulte où elle devrait se stabiliser De I ’avis de tous ceux qui à des titres divers, ont contribué à son succès. Pilotes, concurrents, organisateurs ou responsables des Fédérations. Un style existe qu'il faut maintenant préserver et affiner.

 

François Bollée le directeur de course, qui tout au long des « 24 Heures » resta en bordure de piste est probablement I un de ceux qui possède le mieux I ’idée de la définition idéale de l'épreuve. II ressent parfaitement les dangers qui peuvent la guetter : professionnalisation et récupération.

 

 II est évident que les marques industrielles qui fabriquent les engins ne peuvent rester insensible devant cette épreuve qui. Finalement met en jeu sinon leur renommée du moins leur prestige compte tenu de la publicité qui maintenant entoure ces nouvelles « 24 Heures ». Mais si la porte reste trop grande ouverte si les organisateurs ne surveillent pas son évolution l'épreuve leur échappera et de formule de promotion qu’elle est devenue elle deviendra une classique ou cet esprit artisanal et d'improvisation aura disparu.

 

Certes la lutte fut chaude entre les concurrents les contacts parfois rudes mais à aucun moment cela ne dépassa les limites qu'autorise une lutte sportive Mais cette épreuve aura de plus prouvé que les cyclos sont des engins parfaitement fiables, du moins ceux de la série. Rêvons à des « 24 Heures auto » où tous les concurrents au départ seraient à l'arrivée à une exception près, qui de plus ne met pas en cause la mécanique Les organisateurs auront dans les mois à venir à mettre au point la prochaine édition Quelques détails sont à revoir comme le balisage -de la piste de nuit qui rendait la conduite nocturne hasardeuse. De même il serait sans doute juste que I examen technique des machines soit plus strict lors des opérations de contrôle pour que ne plane aucun doute lors de la course sur la conformité de tel ou tel concurrent.

Il n'en reste pas moins que ces 24 heures sont une belle épreuve dont il faudrait arriver à préserver l'esprit d’amateurisme total. Une gageure dans la mesure où les firmes sont intéressées au résultat. La balle est dans le camp des organisateurs.

Equipage Chevalier -Braud sur Peugeot TSE n°16  -  24h du Mans cyclo 1977
Equipage Chevalier -Braud sur Peugeot TSE n°16
Equipage Delafarge - Cantie sur Peugeot 103 24h du Mans cyclo
Equipage Delafarge - Cantie sur Peugeot 103